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Louis Haas

Résumé de l'interview

Enfance et école

Louis Haas naît en 1936 et arrive à Strassen dix ans plus tard, en 1946. Avant cela, il a vécu en Allemagne, et c’est sans son père, qui a été porté disparu, que la famille retourne au Luxembourg. Sa mère, originaire de Strassen, se retrouve seule avec sept enfants à élever. Louis a un frère jumeau, Emil. Ensemble, les deux garçons forment un duo inséparable, si bien qu’on les surnomme « d’Huesen », les lapins.
Dès leur arrivée, la vie n’est pas simple. La famille n’a pas de logement et s’installe provisoirement chez un oncle. Après deux ou trois ans, ils emménagent dans une vieille ferme située sur la route d’Arlon, aujourd’hui disparue. À cette époque, le confort est sommaire. Il n’y a pas de toilettes à l’intérieur de la maison. Pour satisfaire un besoin urgent, il faut sortir, parfois en pleine nuit, marcher jusqu’à l’extérieur, puis revenir se coucher, sans se plaindre. Le quotidien reste difficile.
Monsieur Léon Trierweiler, un camarade d’école de la même génération, se souvient de l’arrivée des deux jumeaux à l’école. Ils étaient inséparables, portaient des pantalons en cuir de cochon avec bretelles, mais pas de chaussures ni de chaussettes. Pieds nus, ils traversaient la cour d’école, qui n’était pas encore asphaltée. N’ayant pas de crayons, ils ont pu compter sur la solidarité de leurs camarades, qui leur ont offert les restes de leurs fournitures. D’après Trierweiler, le voisinage a également joué un rôle important dans leur accueil et leur soutien.
Malgré des conditions de vie difficiles, Louis et son frère ne manquent pas d’énergie ni d’humour. Ils ont profité de leur ressemblance et du port des mêmes vêtements pour jouer des tours à leur entourage, notamment au curé du village. À l’école, cependant, ces farces n’étaient pas bien vues, et ils se sont fait réprimander. Monsieur Haas explique que l’école ne lui a jamais semblé facile. Leur mère travaillait en ville et ne rentrait que le soir, ce qui obligeait les enfants à cuisiner eux-mêmes le midi. Deux de ses frères et sœurs travaillaient déjà à la confiserie Kessler, toute proche, et pouvaient revenir à la maison pour déjeuner. Lorsqu’on lui demande ce qu’il a préféré dans son enfance à Strassen, il répond sans hésiter : la kermesse.

Les débuts d’une vie professionnelle

À la fin de sa scolarité, Louis Haas peine à trouver un emploi. Il accepte d’abord un poste sur une piste de jeu de quilles, située le long de la route d’Arlon. Il enchaîne ensuite trois années chez Kontz, un magasin de vélos du même quartier. Mais le salaire reste trop bas. Il quitte l’entreprise. Par la suite, il a été embauché chez l’entrepreneur Muller, rue de l’Église, où il a effectué des travaux manuels.

Associations

Durant sa jeunesse, Louis Haas ne faisait partie d’aucune association. Il explique que sa situation financière ne le lui permettait pas. Le risque de blessure était trop grand, car cela aurait compromis sa capacité à travailler. Il n’avait pas non plus les moyens de remplacer son matériel ou ses vêtements en cas de dégâts. En revanche, il s’est engagé chez les pompiers, suivant l’exemple de son oncle.

Une vie de village

Louis Haas affirme avoir toujours bien vécu avec ses voisins. Il admet avoir parfois fait quelques bêtises, notamment en sonnant aux portes avant de s’éloigner calmement, feignant l’innocence. Mais il insiste sur le fait qu’en dehors de ces plaisanteries, il s’est toujours bien entendu avec les gens du village.

Une commune en pleine mutation

Interrogé sur les différences entre le Strassen de son enfance et celui d’aujourd’hui, il évoque en premier lieu l’apparition de grands bâtiments, qui modifient profondément le paysage. Il regrette aussi la disparition progressive des cafés. Au cours de l’entretien, son épouse intervient pour dire que Strassen était autrefois plus beau, plus propre, et ajoute que même Bertrange lui semble aujourd’hui mieux entretenu. Monsieur Haas partage ce sentiment et déplore également qu’il devienne difficile d’avoir de vraies conversations avec les gens. Que signifie être un citoyen de Strassen ? Lorsqu’on lui demande ce que cela signifie pour lui d’être un citoyen de Strassen, il répond simplement : « Ech sinn gär hei. »